Afin d’assurer la vitalité financière de la paroisse, diverses industries se développèrent au fil des années. Parmi les différentes ressources premières, celle du bois fut sans contredit la plus utilisée.
Magasin Emery Poulin en 1901
Photo fournie par M. Jacques Maheux
L’activité économique de St-Martin ne s’est pas limitée au seul secteur industriel. De nombreux commerces sont apparus à différentes époques : des magasins, des auberges, des hôtels, des restaurants, des boucheries, des boulangeries, des garages, des cordonneries etc. Tous ces commerces ont écrit, à leur manière, une page de l’histoire de St-Martin.
Les domaines industriels et commerciaux impliquent des déplacements d’argent important. Dans le but de favoriser ces échanges, deux établissements financiers se sont implantés près de nous. La Caisse populaire de St-Martin fut fondée le 25 juillet 1910, la vingt-cinquième à être fondée au Québec et l’une des plus anciennes à fonctionner en Beauce. La Banque canadienne nationale ouvrait ses portes à St-Martin en 1939. Elle servit ses clients jusqu’en 1969.
Les hommes partaient pour les chantiers au début de l’automne. À leur arrivée, ils devaient se construire un camp. Celui-ci était fait de bois rond. Ils calfeutraient les joints avec de la mousse. Le plancher était aussi de bois rond recouvert de planches. Les bûcherons préparaient leurs lits. Ceux-ci étaient faits de perches de bois, lesquelles étaient recouvertes de quelques pouces de branches de sapin. Une couverture épaisse était jetée par-dessus ces branches. Les premiers lits étaient placés les uns à côté des autres sur le plancher. Il va sans dire que cet état de fait occasionnait la désagréable surprise de se retrouver avec des poux. Les normes d’hygiène étaient réduites au strict minimum. Avec le temps, les lits se sont superposés, rendant ainsi la vie plus agréable à ces nombreux bûcherons.
Les premiers bûcherons se servaient de la hache, du “buck saw” et du godendard. Après avoir abattu un arbre, ils devaient l’entasser et former un amoncellement. Le bûcheron y plaçait une longue branche qui indiquerait l’endroit de l’amoncellement du bois pendant les fortes précipitations de neige. Un mesureur passait de temps à autre afin de visiter chaque bûcheron. Le mesureur étampait le bois à l’aide d’un marteau qui enfonçait la lettre “B” pour Breakey à chaque billot. La visite du mesureur se faisait à toutes les deux semaines. Parmi les autres employés des contracteurs, notons le contremaître “Foreman” qui dirigeait les travaux. Cette tâche était souvent remplie par le contracteur lui-même. L’on y retrouvait le “commis” qui voyait à la tenue des livres. Chaque campement était desservi par un cuisinier et un assistant-cuisinier. Le bâtiment était entretenu, chauffé et éclairé grâce à la présence d’un gardien “show-boy”.
Après avoir rempli le quota de coupe, venait le tour du transport du bois près des cours d’eau. Règle générale, la période des Fêtes séparait le temps de la coupe du bois de celui du transport. Les hommes de chantier pouvaient ainsi passer ce temps de réjouissances auprès des leurs. Pourtant, certains jeunes gens partaient l’automne pour ne revenir qu’au printemps chez leurs parents.
Le transport du bois coupé se faisait par l’entremise de la rivière Chaudière. Depuis 1847, la compagnie Breakey utilisait ce moyen de transport. À chaque printemps, les draveurs attendaient avec impatience la descente des glaces. Alors que le niveau d’eau de la rivière était encore assez haut, une équipe d’hommes poussait les billots ou la pulpe à l’eau. Le bois descendait en suivant le courant de la rivière. Il devait se rendre jusqu’à Breakeyville, où il était arrêté par une série de chaînes “boam” qui traversaient la rivière.
Dans le but d’éviter toute perte de bois, la compagnie Breakey engageait des draveurs. Ceux-ci devaient surveiller la descente du bois, récupérer le bois accroché ici et là et débloquer tout amoncellement. Ces draveurs descendaient de chaque côté de la rive en rejetant à l’eau les billots accrochés au rivage ou la pulpe. La pulpe était relancée avec l’aide d’un “pick-a-roam”. Non loin derrière suivaient les chaloupes. À l’intérieur de celles-ci se retrouvaient deux conducteurs “boatman” ainsi que deux matelots qui ramaient. Ces embarcations avaient une longueur de 30 pieds. Le nombre variait de 5 à 8 selon les années. Lorsqu’il était nécessaire de débloquer un amoncellement, les draveurs montaient dans l’embarcation et se chargeaient de cette tâche.
La drave débutait généralement au début d’avril et se poursuivait jusqu’à la fin de mai. Chacune des petites rivières fut en partie dravée. Les hommes travaillaient de nombreuses journées afin de jeter à l’eau tout le bois coupé. Une fois rendus aux grandes rivières Chaudière et du Loup, les draveurs s’occupaient de faire avancer le bois. Lorsque les deux équipes se rejoignaient à la fin de la rivière du Loup, plusieurs hommes étaient congédiés. Un seul groupe d’hommes s’occupait de rendre la coupe annuelle à Breakeyville.
Les draveurs étaient recrutés parmi les bûcherons. Ils étaient de trente à quarante à accomplir ce travail. MM. Alphonse Cliche et Edmond Champagne furent les principaux entrepreneurs. Ils commençaient leur journée vers 4h30, après le déjeuner. À 10h et à 14h, une collation leur était servie. Ils soupaient vers 19h, après avoir terminé leur journée de travail. Les cuisiniers leur apportaient à manger le long de la rivière. Les repas étaient généralement composés de fèves au lard, de saucissons de Bologne, de petits pains, de beignes, de gâteaux, de tartes,… etc. Le soir, les hommes demeuraient dans des maisons ou dans des granges situées le long de leur parcours. Il arrivait aussi que, par temps chaud, ils couchaient à la belle étoile. Ils dormaient en portant leurs vêtements mouillés qu’ils ne pouvaient changer. Pour ce rude métier, les salaires étaient de 0.75$ par jour, en 1910, et de 3$ en 1940. Une fois la drave terminée, chaque draveur retournait sur sa terre respective afin d’y effectuer les travaux exigés par la belle saison.
La drave a cessé en 1947. Cette année-là, le barrage de chaînes qui retenait tout le bois dravé avait cédé sous la pression des pluies diluviennes. La compagnie Breakey dû récupérer son bois dans les marais et dans le fleuve Saint-Laurent. La société subit de lourdes pertes. En plus de tout cela, cette entreprise était la proie des voleurs de bois. Ces deux principaux faits amenèrent la compagnie à cesser le flottage du bois. Elle entreprit de transporter son bois à l’aide de camions.
Cet apport de la forêt permettait la subsistance d’une bonne partie de la population de St-Martin. Pour certains d’entre eux, les chantiers et/ou la drave étaient les seuls emplois rémunérateurs qu’ils pouvaient trouver. Pendant les autres mois de l’année, les produits de la ferme soutenaient la famille. Au début du siècle, un cultivateur qui possédait 10 à 12 vaches se rangeait parmi les plus ambitieux.
Le développement industriel a de lourdes retombées sur le domaine commercial. À l’époque des premiers défricheurs, les moulins à scie étaient très fréquentés. Ils furent la base du développement industriel. Afin de faciliter la construction des premières habitations, d’ingénieuses personnes construisirent de rudimentaires moulins fonctionnant grâce aux pouvoirs hydrauliques.
L’industrie artisanale des premiers temps de notre colonie ne s’arrêta pas uniquement à la transformation du bois. D’autres domaines aussi importants connurent leurs périodes d’apogée. Ainsi en était-il des forgerons. À l’époque des chevaux, chaque cultivateur était un peu forgeron. Pour les gros travaux, on s’adressait à un homme de métier. Il arrivait à l’occasion que les forgerons devenaient dentistes. Quelques cas on été relevés au cours de ce siècle d’existence.
Les fromageries et les beurreries créèrent dans la classe agricole un bien-être considérable. Cette industrie permit une ère de prospérité sans précédent. C’est ainsi que l’agriculteur put songer à agrandir son cheptel et à rendre la vie de sa famille plus confortable. Partie d’une production artisanale, l’économie agricole déboucha sur une production industrielle.