Colonel Bénédict Arnold

Histoire du colonel Bénédict Arnold

Colonel Bénédicte ArnorldDans notre histoire à la fois romantique et héroïque, l’arrivée des Bostonnais constitue sans doute le chapitre le plus nourri d’aventures et d’anecdotes qui, parfois, défient même l’imagination.

 

C’était à l’époque où les États-Unis luttaient dans un guerre sanglante pour conquérir leur indépendance. Une grande partie de l’armée continentale était alors en garnison à Boston. George Washington crut qu’il allait porter un coup mortel à l’Angleterre s’il pouvait s’emparer de Montréal et de Québec, les bastions anglais les plus redoutables en Amérique du Nord.

 

C’est donc dans cette optique qu’en septembre 1775, le général Washington manda à ses quartiers généraux le général Richard Montgomery et le colonel Bénédict Arnold. À Montgomery, fut assignée la tâche de s’avancer sur Montréal en suivant la route déjà bien connue de la rivière Hudson et du lac Champlain. Le succès de cette expédition vers Montréal, à peine défendue par quelques centaines de membres d’une faible garnison est une page peu glorieuse de l’histoire du Canada.

 

Au colonel Arnold fut confié la mission de s’emparer de Québec en suivant la route inconnue des vallées de la rivière Kénébec, dans le Maine, et de la rivière Chaudière, au Canada. C’est de Newburyport, dans le Massachusetts, que partit Bénédict Arnold le 13 septembre 1775, à la tête d’une armée de onze cent trente hommes. Il croyait atteindre Québec dans quinze jours ou plus.

 

Hélas, très peu d’entre eux ne virent les remparts de cette forteresse canadienne, et la plupart regrettèrent leur aventure désastreuse. Une foule d’erreurs commises en 1760 par le cartographe John Montresor sauvèrent Québec des mains révolutionnaires américaines. La désertion, la maladie, l’indiscipline firent des ravages importants dans l’armée d’Arnold.

 

La remontée de la Kénébec dura onze jours et se déroula sans accident. Aux environs de Bingham, la troupe traversa le territoire de chasse des chefs Abénaquis Natalis et Sabatis, que les soldats avaient ordre d’abattre. Arnold les soupçonnait d’être des espions à la solde de l’armée anglaise. À leur arrivée en sol canadien, les soldats se retrouvaient égarés, sans un morceau de pain, pieds nus sur la neige et dans les eaux glacés de novembre. Ils venaient de franchir des rivières, des portages (dont le plus long fut de 16 milles) et de nombreux marais.

 

Des onze cent trente qu’ils étaient au départ, seulement 674 ont pu se rendre au lac Mégantic (Amméguntick). Il ne restait plus aucune provision et aucun vêtement de rechange. Ici, le groupe se divisa en deux afin de trouver l’embouchure de la rivière Chaudière.

 

Ayant découvert et entrepris la descente de la rivière Chaudière, Arnold, accompagné de son groupe, éprouva de lourdes pertes lorsqu’il vit ses quatre dernières chaloupes se briser en morceaux aux rapides de Spalding. Vingt-cinq mousquets furent perdus dans cet accident. Ses soldats, mal en point, se traînaient le long du rivage. Plusieurs milles furent ainsi parcourus. Il ne restait qu’une pirogue pour Arnold. Le colonel arriva enfin à une grande courbe de la rivière, où les rapides sont cachés à l’ouest par un promontoire. Prise dans le courant, la pirogue frappa avec violence un rocher qui émergeait à peine à la surface des flots. Arnold et son guide, tous deux bons nageurs, s’échappèrent des torrents furieux. Cependant, la perte subie fut énorme. Cette pirogue contenait tous les effets personnels et les documents du colonel ainsi que le précieux coffret rempli de 30 000 livres anglaises. Ce fut le début d’une chasse au trésor. À chaque génération se réveille l’espoir de nouveaux chercheurs. Dans notre municipalité, plusieurs personnes âgées se souviennent d’une roche sise non loin du ruisseau Pozer , et que l’on dénommait la roche à Arnold, où des recherches furent souvent entreprises sans grand résultat, hélas ! Il semble que le rocher que frappa Arnold soit situé dans les rapides en face de la “côte des Maheux”. Vers 1970, une équipe d’hommes-grenouilles provenant de Sherbrooke passa au peigne fin une grande partie des rapides situés au pied de la “côte des Maheux”. Il semble qu’aucun trésor n’y fut retrouvé. Comme ce trésor de l’armée américaine ne fut jamais retrouvé, la légende accrédita la croyance que le trésor demeurait introuvable parce qu’il était gardé par le diable.

 

Pour revenir à Arnold, celui-ci continua son chemin à pied, en essayant d’atteindre les terres habitées de la Beauce. La première habitation se trouvait sur la pointe nord-est de l’embouchure de la rivière Sartigan (Du loup).

 

Il y avait, à Sartigan, une ferme d’une étendue de huit hectares sur la plaine s’étendant à l’embouchure de Sattagan et Chaudière. Sur le flanc sud du coteau se trouvait une maison construite de pièces rondes mesurant à peu près vingt sur trente à laquelle étaient attachées de grandes écuries de même matériel. Ces écuries étaient remplies de chevaux, de vaches et de moutons. Le maître de cette ferme, au milieu des bois, était un grand homme de nom de Lartigan, originaire d’Irlande. Trois Abénaquis dont Sabbatis, frère de Natanis, et un Français l’aidaient dans ses travaux. La traite des fourrures avec les Peaux-Rouges semble avoir été la base de son succès. Lartigan fut donc le premier Blanc que nous rencontrâmes depuis notre passage à Norridgewock.

 

Les officiers, qui avaient reçu l’ordre de tuer Natanis et Sabbatis, constatèrent avec une surprise honteuse qu’ils étaient reçus à Sartigan par ces nobles et respectables sauvages qui, en plus de les secourir, s’envolèrent plus tard avec dix-sept des leurs dans les rangs des « Fils de la Liberté ».

 

Revenons à la recherche du deuxième groupe dirigé par le capitaine Dearborn. Il semble que ce groupe souffrit plus amèrement toutes les misères qui harassèrent continuellement l’expédition. Ayant réussi à trouver l’embouchure de la rivière Chaudière, ils descendirent celle-ci avec plusieurs jours de retard. A douze milles en amont de Sartigan, Dearborn s’arrêta à l’embouchure d’une petite rivière pour y passer la nuit. Cette rivière semble être la Truite. Selon la coutume, on alluma un grand feu pour s’y réchauffer les mains et les pieds engourdis par le froid. Ces soldats avaient alors passé sept jours sans manger. De tous les chiens qui avaient suivi l’expédition, seul celui du capitaine Dearborn était resté aux côtés de son maître. Assis près du feu, Dearborn s’aperçut que les regards de ses soldats affamés se dirigeaient souvent vers son chien. Sentant bien ce qui se passait dans l’esprit des malheureux, le capitaine se leva, caressa son animal fidèle et, la gorge étouffée, demanda à ses soldats d’attendre qu’il soit disparu dans la forêt avant de sacrifier son compagnon. Quand Dearborn revint près du feu, l’animal avait déjà été dévoré par ces trois cents hommes silencieux. Le lendemain, ils reprirent leur marche vers la première habitation précitée.

 

À quelques milles plus loin, les secours d’Arnold, si longtemps attendus, arrivèrent enfin. Les sauveteurs rejoignirent le détachement à deux milles en bas du Grand Sault 4. Au loin, le long d’un espace sablonneux, près de la rivière, les soldats virent s’avancer vers eux quatre vaches et un cheval. On nous raconte que ces trois cents soldats se lancèrent à l’attaque comme de vrais loups affamés. On fit des feux pour y faire rôtir d’énormes morceaux de viande que l’on mangea presque crue. Ceux qui avaient les pieds nus et couverts de blessures se façonnèrent des mocassins de la peau tiède des animaux. L’espoir revint aux soldats et, avec entrain, ils se remirent en marche vers Sartigan.

 

Ainsi se termine l’étape où les Bostonnais quittèrent le pays des Grandes-Coudées en direction d’une phase plus propice à leur aventure. Ces militaires américains furent les deuxièmes Blancs à franchir le sol de notre municipalité.

 

En résumé, voici la fin de cette histoire. Arnold et Dearborn réunis prirent le chemin de Québec avec les six cents hommes qui restaient de l’armée initiale. Ils furent plus ou moins bien accueillis lors dc leur passage en paroisse beauceronne. Arnold passa avec ses troupes le long du chemin justinien, qui, par le village St-Henri, conduit sur les hauteurs de Lévis. Rendu à Québec, le général Montgomery fut tué au pied de la falaise. Dix officiers et cent dix soldats de ses troupes tombèrent ainsi devant Québec. Arnold fut frappé par un boulet anglais qui lui fractura la jambe gauche. Trois cent quarante de ses Bostonnais furent faits prisonniers. Pendant plusieurs mois, ils languirent dans les sous-sols du Séminaire et du Collège des Récollets. Le gouverneur Guy Carleton les laissa finalement retourner dans leur pays sur trois voiliers en route pour New-York. Plusieurs succombèrent à la petite vérole. Le passage des Bostonnais fut une odyssée sanglante et désastreuse qui nous laissa l’héritage de riches légendes qui seront sans doute répétées à jamais sur les bords de la Chaudière. En 1975, afin de commémorer le deux centième anniversaire de la venue d’Arnold, une expédition s’organisa aux États-Unis. Celle-ci reprit le tracé similaire, mais sur route seulement.