En 1921, survint une petite crise qui fit descendre d’un bon échelon le prix des marchandises et le salaire des ouvriers. Cependant, il n’y avait pas encore de surproduction. Alors l’ouvrage continua, l’argent se mit de nouveau à circuler et le bien-être parut s’installer définitivement dans le peuple. C’était pourtant une profonde illusion. L’année 1929 marqua les premiers signes de la fameuse crise économique qui s’étendit en quelques mois sur le monde entier. Les valeurs mobilières et immobilières firent des chutes retentissantes aux bureaux des Bourses de Montréal et de New York. On était en septembre 1929. Il y avait surproduction partout. Les usines et les manufactures suspendirent leurs travaux. Le chômage des ouvriers amorçait une ère nouvelle qui dura presque une décennie. Puisqu’il y avait surabondance de produits industriels, il n’était plus nécessaire d’en fabriquer d’autres. Un grand nombre d’usines fermèrent alors leurs portes aux ouvriers et les forcèrent à chômer. Le prix des effets ouvrés commença à fléchir et entraîna de grandes pertes d’argent chez les manufacturiers.
Les produits agricoles subirent eux aussi une grande dépression, de sorte que les cultivateurs qui avaient acheté des fermes à un prix assez élevé, sans les payer immédiatement, connurent des difficultés insurmontables. Certains cultivateurs endettés de notre paroisse sacrifièrent leurs fermes à de vils prix pour éviter de plus terribles catastrophes. Le gouvernement se vit dans l’obligation de distribuer des secours directs aux nécessiteux, et particulièrement aux colons défricheurs. En décembre 1930, le gouvernement versait $6000 à la municipalité afin de venir en aide aux chômeurs. La moitié de cette somme fut versée pour le gravelage de la route dans le canton Jersey. L’autre moitié visait la construction de trottoirs en béton dans les limites du village. Au niveau national, les banques avaient prêté de gros montants d’argent aux spéculateurs. Devant le danger de tout perdre, elles s’empressèrent de rappeler au moins cinquante pour cent de leurs prêts. Alors les nouvelles entreprises cessèrent et le chômage augmenta encore plus.
En 1931 et en 1932, cette crise devint générale et mondiale. Chaque nation s’efforça d’élever de hautes barrières tarifaires pour empêcher les produits étrangers d’envahir leur pays. On entrava l’immigration autant que possible parce qu’il y avait partout des chômeurs. Ainsi les États-Unis devinrent très sévères pour empêcher les Canadiens d’aller résider ou travailler sur leur territoire. Les paroissiens de St-Martin se ressentirent beaucoup de cette crise. Les journaliers et les hommes de chantiers ne savaient comment gagner leur pain. Certains journaliers se firent cultivateurs. Ne pouvant plus se procurer de produits manufacturés, il fallut revenir à l’industrie artisanale. Au cours de ces moments pénibles, le bon curé Wilfrid Roy accepta de se faire l’intermédiaire entre le gouvernement et les miséreux. Un certain nombre de familles prirent la direction de l’Abitibi. À la fin de décembre 1931, la municipalité requérait l’aide financière du gouvernement afin de pourvoir aux besoins des chômeurs pendant l’hiver. Cet argent était distribué par un comité de charité qui remplaçait la Saint-Vincent-de-Paul. Au printemps de 1931, les colons pauvres demandaient au gouvernement, par l’entremise du conseil municipal, une subvention pour l’achat de grains de semence. Cinquante pour cent des contribuables étaient dans l’impossibilité de payer leurs taxes municipales et scolaires.
Vers 1934, la surproduction de 1930 était consommée. L’industrie forestière commençait à opérer. Le gouvernement mit sur pied un plan d’aide aux chômeurs appelé « Plan Gordon ». Ce plan visait à augmenter l’établissement des colons sur les lots de colonisation. En 1936, le gouvernement accordait deux minots et demi de grain et dix livres de graines par âcre à ensemencer. Durant l’année 1937, l’activité économique s’était améliorée ; le secours direct fut alors discontinué. Divers travaux effectués dans différents chemins étaient entrepris en vue de venir en aide aux colons nécessiteux. Avec le début de la seconde guerre mondiale, le secteur économique remonta en flèche, mais de nombreuses séquelles demeuraient. Afin de pallier aux nombreuses difficultés financières rencontrées chez certains colons, la compagnie John Breakey autorisa la population à prendre du bois dans les débris de bois déjà abattu en 1941. Les gens devaient débourser $0.60 pour chaque corde de bois recueillie. Cette pratique s’estompa au printemps de 1946.